Comment les organisations gèrent-elles une réponse d’urgence ?

Le récent tremblement de terre en Turquie et en Syrie a causé énormément de pertes humaines et de nombreuses organisations comme Caritas International et Karama Solidarity ont tout de suite réagi et apporté un soutien aux populations sinistrées. Et en même temps organisé des récoltes de fonds pour financer cette aide d’urgence. Pour comprendre comment s’organise l’aide d’urgence, nous avons interviewé Gilles Cnockaert, directeur de la communication et de la récolte de fonds chez Caritas International. Ainsi que Julien Carr, gestionnaire de projets Sud et Naziha Ben Allal, chargée de communication chez Karama Solidarity. 

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Séisme Syrie
©Caritas

Lundi 6 février vous découvrez la terrible nouvelle du séisme, qu’elles sont les premières étapes que vous entreprenez ? 

Caritas : « Ce qui est important à savoir c’est que l’on travaille dans un réseau mondial qui compte des Caritas dans environ 162 pays. Nous avons donc commencé par contacter notre partenaire local.

En l’occurrence on apprend que des bureaux de Caritas ont été détruits, mais que notre staff est sain et sauf. Il faut ensuite évaluer si Caritas Syrie et Turquie sont en mesure de fournir de l’aide. Vu que dans ce cas la réponse est oui, ils vont commencer à faire une évaluation des besoins et des personnes les plus affectées. On débloque alors de notre fonds d’urgence 50 000 euros pour leur permettre de fournir les premiers efforts. Ensuite nous commençons à réfléchir à comment nous allons solliciter la générosité du public. Dans ce cas si on s’est aussi mis en contact avec les partenaires du consortium 12-12. qui sont 7 organisations qui disposent d’un certain réseau et d’une force de frappe.  »

Comment évaluez-vous les besoins financiers ?

Caritas: « Pour nous le plus important est tout d’abord de soutenir les personnes les plus vulnérables. Une première chose est donc d’identifier les besoins des personnes dans les zones où aucune aide n’a été organisée. Là on arrive alors à avoir une vue d’ensemble et le tout est alors compilé dans un emergency appeal qui est un programme d’évaluation du nombre de familles que nos partenaires locaux vont pouvoir aider dans les différentes zones et du budget d’intervention nécessaire pour cela. Une fois que ces informations sont mises sur papier à travers notre centre de coordination à Rome, les différents Caritas vont regarder à leur tour ce qu’elles vont pouvoir apporter en termes d’aide. Chaque partenaire qui aura fait sa récolte de fonds va mettre une partie des moyens nécessaires. Ce qui permet au partenaire sur le terrain de pouvoir se concentrer sur ses activités. »

 

De quelle façon aidez-vous les personnes sinistrées grâce aux fonds récoltés ?

Karama : « On sait très bien que dans ce genre de catastrophe il y a une grande générosité qui s’exprime dès le début et que les besoins s’étaleront sur une très longue période, car il faudra reconstruire ce qui a été détruit. Les fonds récoltés serviront tant pour la phase d’urgence que pour la réhabilitation et la reconstruction. Pendant la phase d’urgence nous avons directement alloué +/- 45 000 euros afin de distribuer des kits de nourriture, des kits hygiène, des couvertures, de l’eau pour éviter les maladies et épidémies.  Pour l’instant nous sommes en contact avec nos partenaires sur place pour trouver les meilleures solutions d’abris. »

 

Avez-vous des difficultés à rentrer en contact avec vos partenaires durant ces situations d’urgence ?

Caritas : « Il y avait en effet des coupures de courant et de réseau, ce qui a compliqué la communication. Nous avons aussi un intranet mondial qui permet que les informations soient centralisées et puis être partagées. Ce qui permet aux chargés de programme de suivre les opérations et d’alimenter les campagnes avec des témoignages pour déployer la récolte de fonds. »

Karama : « Pour le séisme on était tout d’abord en contact avec nos bureaux en Angleterre avec qui nous avons lancé une action. Ensuite 3 de nos collègues se sont rendus sur place pour se rendre compte de la manière dont ils travaillent, superviser et récolter des témoignages pour les transmettre à nos donateurs. »

Quels sont d’après vous les éléments les plus importants pour faire face et répondre le plus vite possible à une situation d’urgence sur place et du point de vue de la récolte de fonds ?

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Séisme Syrie Turquie
©Caritas

Caritas : « Il faut être préparé en termes opérationnels, donc avoir la garantie que l’on est en train de faire une récolte de fonds qui va pouvoir tenir la promesse aux donateurs. Mais aussi être préparé dans nos dispositifs de campagne et de finances ici. Pour nous, il est très important de remercier nos donateurs et de montrer l’impact de leur don. On a des moments clés comme le rapport annuel ou l’envoi des attestations fiscales, des bilans qu’on fait en ligne qui permettent d’honorer cette confiance. »

Comment faites-vous pour atteindre rapidement et efficacement les donateurs ?

Caritas : « Le plus important, c’est la conjonction des différents canaux. Avec les donateurs qui ne connaissent pas encore Caritas International, on va davantage communiquer dans les médias ou en ligne alors que les donateurs qui connaissent bien Caritas vont préférer des appels papier. Il faut de la répétition. Le fait de voir plusieurs fois la même information va augmenter la réponse. »

Karama : « Nous faisons principalement l’appel au don via le digital (réseaux sociaux Facebook, Instagram), car c’est la façon la plus rapide de rentrer en contact avec nos donateurs. Nous avons également fait aussi via des sollicitations sur WhatsApp. Nous pouvons y diffuser l’actualité du moment comme le SOS pour le séisme en Syrie et Turquie. Sur notre site web, nous créons une page spécifique en rapport à la situation d’urgence. Plus tard nous envoyons aussi une newsletter. »

 

Quel fut l’impact de la campagne radio « People help the people » initié par le 12.12 ?

Caritas : « C’est la première fois depuis longtemps qu’on avait une opération médiatique conjointe francophone/néerlandophone. Ce jour-là, tous nos attachés de presses, tous nos collègues étaient sur les ondes des radios à expliquer qui nous sommes, ce que nous faisons, ce dont on avait besoin et remercier nos donateurs. La chanson était le fil rouge durant cette journée. Ce sont des moments comme cela qui marquent les esprits. Ce jour-là près de 1,8 million d’euros ont été récoltés. »

 

Arrivez-vous toujours à atteindre les fonds nécessaires ?

Caritas : « Dans un cas comme celui des séismes, on va assez rapidement récolter des moyens substantiels, mais il y a aussi beaucoup de crises négligées. Les situations d’urgence où l’on ne récolte pas assez de fonds ou l’on va alors devoir prendre la décision de réduire les zones que l’on va aider. Les crises très médiatisées ont tendance à faire un rideau de fumée pour les autres situations d’urgence. Notre rôle est aussi de ne pas négliger toutes ces crises moins médiatiques. Par exemple le Yémen, où il y a une situation humanitaire qui dure depuis des années. Il a été très difficile de récolter les fonds nécessaires. Dans cette situation, nous avons juste su participer avec notre fond d’urgence et les quelques dons de reçu de nos donateurs. »

 

L’urgence permet de récolter rapidement des fonds, qu’est-ce qui en est pour la reconstruction ?

Caritas : « Nous sommes l’une des rares organisations en Belgique à combiner l’aide d’urgence, la réhabilitation et  le développement. Par exemple en Haïti on savait que se limiter à l’urgence serait vraiment une absurdité, car il y avait des problèmes beaucoup plus structurels que ceux liés au séisme. Dans le cas de la production alimentaire par exemple en aidant les agriculteurs à avoir une production alimentaire durable en périphérie de Port-au-Prince. »

 

Pour vous quel est le plus grand défi lors d’une situation d’urgence lors de catastrophes naturelles ou de crises majeures ?

Karama : « De manière générale ce qui est le plus délicat, c’est la coordination entre les organisations. Afin que tout le monde intervienne de manière coordonnée et pertinente. Il y a du progrès, car il y a c’était encore pire maintenant les nations gèrent la coordination entre les intervenants. »

 

Photos: ©Caritas